Foix la bien nommée

copyright F.Martin
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Voici quelques jours, mes livres m’ont conduite à Foix, au Lycée professionnel Jean Durroux. J’y venais pour la deuxième année consécutive – toujours à l’invitation de la documentaliste Edith Schumann – rencontrer les lycéens, leur lire une de mes nouvelles Le désespoir des roses et animer un atelier d’écriture avec des volontaires.

A la pause, autour d’un thé ou d’un café, de quoi parlaient les professeurs ? De leurs élèves. Avec affection, avec inquiétude, avec agacement parfois, avec intérêt toujours. Au gré des conversations, leur désarroi devenait perceptible devant une mission qui menace de les engloutir sous son exigence.

J’ai voulu ressusciter pour eux Mr Charnay, un maître en blouse blanche de ma classe de quatrième, son autorité, sa singularité, son amour de la langue si communicatif qu’il m’avait définitivement contaminée. J’ai évoqué une de mes institutrices, Mme Martin, venue me rendre visite à l’une de mes premières signatures, sa joie de dire : j’y suis peut-être pour quelque chose. Il y en aurait eu d’autres, dont le nom s’est perdu pour certains, mais dont l’empreinte perdure. D’autres qui continueront ainsi d’enseigner hors du temps à travers la mémoire.

On mesure mal la force de notre impact les uns sur les autres. Il est probable que cette ignorance nous évite l’écrasement. Quand on se remémore les instants où notre propre chemin s’est orienté, on découvre que c’est dans les petites phrases et les gestes infimes qu’il a basculé. Le souci que donnent les grandes décisions est disproportionné, c’est ailleurs que la vie se joue, dans l’ordinaire, l’anodin et le subtil. L’écriture, exfoliée du temps, révèle et amplifie ce tissage délicat.

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Ce mercredi après-midi à Foix, dix jeunes filles se sont assises et bravant tout ce qu’elles pouvaient croire et craindre, se sont rejointes par la grâce d’un texte collectif poétique et tendre, sincère et émouvant. Avec une confiance touchante, elles se sont encordées pour descendre en ce lieu de soi où personne d’autre ne peut aller. Elle en sont revenues échevelées et souriantes pour délivrer leur enthousiasme autour d’elles,  poussant ainsi à l’extraordinaire une journée qui ne l’était pas.

Si vous ne rêviez plus le monde, Aurélie, Aline, Zhi Qiong, Angèle, Sonia, Sarah, Audrey, Nadège, Annaëlle et Maeva… le monde en serait appauvri. En ces temps où la disette est telle que la famine ronge aussi la pensée, vos rêves sont devenus de précieuses nourrices. Ils s’extirpent des boues fossilisées et se dressent, inaliénables, pour attendre.
Et nous ? Qu’avons-nous à promettre à nos rêves ?… Qu’il nous reste à y croire, qu’il nous reste à créer.

 

Cette publication a un commentaire

  1. juliet

    Le professeur de lettres (classiques …hum !) que je ne suis plus … ne peut rester muette devant ces lignes …J’ai toujours pensé que mon rôle consistait à maintenir vivants l’envie, le désir d’aller voir plus loin , que je devais avant tout éveiller les sensibilités … au travers des mots … Cette « chair vivante » que tu illustres si bien Frédérique.
    Merci pour ce témoignage d’aujourd’hui.

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