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Maggy Masselter - Huile sur toile - 2009
Maggy Masselter - Huile sur toile - 2009

« Il faudrait prier et pousser par 
la langue les os dans la couleur
. »
Jean-Luc Aribaud in A la verticale du lieu.

Au début, rien n’était certain et les toiles s’ensommeillaient dans la vaste salle à manger sous la bienveillance impassible d’œuvres plus anciennes. Quatre anges veillaient, deux vierges berçaient des enfants calmes, un homme tournait son dos de lassitude. Seule comme un phare, une femme rayonnante, ventre ouvert et palpitant, offrait sans retenue son étincelant nouveau-né.

Au début, cette œuvre différente, protéiforme, déconcertait l’artiste. Les toiles semblaient se différencier, se désolidariser les unes des autres, s’échapper pour ne pas avoir à se rejoindre. Comment les disposer entre elles qui se heurtaient si fort, sans créer une insupportable rupture de l’œil ? L’une d’entre elles était d’ailleurs restée dans l’atelier, isolée, inachevée, comme abandonnée, la petite esseulée. Une autre, nue sans son cadre, se répandait avec impudeur sur une table. Au début, c’était ainsi, le peintre ne voyait pas l’unité.

Devant la perplexité causée par l’agencement de toiles si singulières, il restait à s’engloutir dans une valse lente, profonde, charnelle où régnait la profusion des bruns, des ors, des roses, des mauves et des bleus. Vibrant avec les rouges, il fallait s’attendrir devant les verts, fondre dans les roses. Deux jours durant, le peintre et l’écrivain ont pris chaque toile dans leurs bras pour les exposer sous tous les angles et dans le moindre éclat de lumière. Elles les ont caressées tour à tour, contemplées, découvertes et bercées, de la plus grande à la plus petite.

Ainsi, ce qui, de l’extérieur, aurait pu passer pour une grande confusion, se trouvait être en réalité, un ballet subtil, une danse fine et secrète sur le fil aigu de l’intuition. Un par un, dans une lente et somptueuse pavane, les rouges se sont rejoints, les bleus se sont embrassés, les mauves incarnés, les verts, les jaunes et les bruns se sont retrouvés. Peu à peu des familles entières se sont constituées. Exaltation des retrouvailles après une longue séparation.

Au terme de deux jours de communion, la petite solitaire céruléenne et la grande écarlate impudique ont fini, elles aussi, par rejoindre les autres. C’est  à ce moment-là, seulement,  que s’est accomplie l’unité, toutes les toiles ayant trouvé leur place exacte. Tant qu’une absence avait perdurée, rien n’avait pu s’équilibrer tout à fait. Mais, dès lors que la dernière des toutes dernières toiles eut trouvé son emplacement, celles qui avaient été prises pour des orphelines se révélèrent être les liens essentiels qui unissaient les lignées entre elles. Et le tout apparut dans son absolue perfection.

C’est un privilège de participer au prodige d’une telle création.
Leçon d’humilité d’abord, devant une artiste en état d’ouverture maximale, capable de reconnaître l’intelligence organique de son œuvre et de s’effacer devant elle.
Joie rare ensuite, de pouvoir assister à ce moment précis où, libérée de toute entrave, l’œuvre émerge, resplendissante et complète.
Pure intensité enfin, de découvrir dans cette parabole flamboyante de l’unité, la grâce éternelle du nourrisson qui se déploie sous les regards éblouis pour parfaire un monde, sans lui, inachevé.

Exposition Maggy Masselter  : « Oser l’espérance »
Château Bettembourg – Luxembourg – Du 11 au 27 décembre 2009

Maggy Masselter - Exposition 2009
Maggy Masselter - Exposition 2009
Maggy Masselter à l'oeuvre
Maggy Masselter à l'oeuvre
Atelier Maggy Masselter - 2009
Atelier Maggy Masselter - 2009
Atelier Maggy Masselter - 2009
Atelier Maggy Masselter - 2009
crédit photo Frédérique MARTIN
crédit photo Frédérique MARTIN

Anna de Sandre a écrit un joli billet illustré d’une peinture de Maggy Masselter.

Cet article a 29 commentaires

  1. Enfantissages

    Dommage que la téléportation n’existe pas, hein? Mais heureusement, on peut voyager un peu, grâce à vous, dans ce bel univers.

  2. Le Gibi gazouilleur

    Je n’avais jamais réfléchi à la façon dont pouvait se monter une expo. Dommage que ce soit au Luxembourg (j’ai eu un moment d’espoir en pensant que c’était au musée du Luxembourg à Paris). Est-ce que cette démarche pourrait^ »marcher » pour assembler des nouvelles en un recueil ?

  3. frederique

    @ Gibi-aux-multiples-identités : Il n’y a pas de truc, ce n’est en aucun cas applicable tel quel. C’est purement magique et vécu en dehors de toute volonté. Une expérience unique !

  4. frederique

    @ Enfantissages : Oui, c’est loin le Luxembourg, sinon j’y serai moi-même ce soir pour l’accrochage. J’y suis allée une fois, quelle aventure ! Mais ça vaut le coup, assurément.

  5. Anna de Sandre

    « Tant qu’une absence avait perdurée, rien n’avait pu s’équilibrer tout à fait. »
    J’adore ce « tout à fait ».

  6. frederique

    @ Anna : Et le célèbre « tout à fait, Thierry, tout à fait ! »

  7. Anna de Sandre

    Par contre, je n’aime pas les peintures de Maggy Masselter. Elles ne m’inspirent rien. :o)))

  8. frederique

    @ Anna : Je suis obligée de dire à mes nombreux visiteurs anonymes : Cette femme ment ! Elle écrit des odes d’amour à la peinture de Maggy Masselter et essaye de pirater mon ordinateur pour me voler les photos exclusives que je détiens de l’exposition en cours.

  9. Anna de Sandre

    Si le père Noël n’était pas une ordure, j’aurais une de ses toiles dans mes souliers le 25.

  10. frederique

    @ Anna : Sont grands tes pieds, dis-moi ! Pour prouver ma bonne foi à mon auditoire j’ai été obligée de mettre ton billet en lien à la fin du mien. Obligée, hein, il n’y a pas d’autres mots. Question d’honneur !

  11. frederique

    @ Luc : Il existe un nouveau dispositif pour prévenir des maltraitances faites aux femmes : En as-tu entendu parler ? Sinon, je te suggère de te renseigner de toute urgence ! Avec tes flip flop mop, tu es concerné au premier degré.

  12. … Elles sont pas chers, et Depluloin en a commandé une caisse entière pour ses amies.
    (Lui même en a des vertes comme ses poissons).

  13. frederique

    Depluloin n’a pas d’amies.

  14. Anna de Sandre

    Depluloin n’a pas de poissons non plus, ce menteur.

  15. frederique

    Peut-être Depluloin n’existe-t-il pas ?

  16. Professeur Vronski

    …et la réalité de son existence ne serait qu’un mensonge supplémentaire !!

  17. Chr. Borhen

    Si Depluloin n’existait pas, on ne l’aurait pas inventé.

  18. dominique boudou

    Anna ment. ou alors je ne comprends plus rien à rien.

  19. Zoë

    C’est une question que je me pose depuis quelques temps. Depluloin est une chimère, un doudou numérique que se disputent les garnements, j’ai nommé Frédaime, Anna et Luc.
    Heureusement que les images consolent
    (PS, t’a rencontré E et S, veinarde !)

  20. frederique

    Mais cette Zoé, elle sait tout ! Qui te l’a dit ? S ou E ? Et oui, je confirme, je suis une veinarde car nous avons passé une soirée mé-mo-ra-ble.

  21. frederique

    Vite, mes sels, Christophe Borhen est là !

  22. frederique

    @ Dominique : Mais oui elle ment, mais pas toujours et donc, il faut deviner.

  23. Depluloin

    Bonjour Frédérique!! Ça y est : joie! Aujourd’hui, j’ouvre Femme vacante! (Compter un mois pour le finir..)

    Qui est ce Luc?

  24. frederique

    @ Depluloin : Alléluia (un mois, vous abusez) !
    Luc ? Mais c’est un célèbrissime photographe ! Je suis surprise que vous ne le sachiez pas. L’ami des stars.

  25. Uranie

    L oeuvre peinte de maggy masselter ne fait void que ce l on est capable de voir. Faut il avoir une ame sensible pour en saisir Le nectar? Ouvrez Les coeurs et vous saisirez alors l’infinie subtilite du sens et sa profondeur.

  26. frederique

    @ Uranie : Et vous parlez en toute connaissance de cause ! Je suis heureuse d’approcher votre oeuvre, dont Maggy m’a déjà parlé et avec laquelle je me sens d’emblée en affinité. En me promenant un peu chez vous, je vois que vous fréquentez aussi Charles Juliet. Cela nous fait au moins deux points communs. Il y a dans votre peinture (mais je ne suis pas une spécialiste) une profondeur conjuguée au dépouillement à laquelle je suis tout particulièrement sensible. Quelque chose d’oriental, par moment, dans l’exigence du trait. Mais corrigez-moi si je me trompe…

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